2013
"jouet de l'enfance"
La France, Paris soixante ans plus tard.
La caméra filme la réalisation d'un jouet. Le plan rapproché sur les mains propose de poser notre regard sur la confection de l'objet. Les mains racontent un instant d'enfance. Par la renaissance de ce jouet et par la règle de ce jeu conté sous nos yeux, l'enfance reprend forme. Une feuille de papier se plie, se déplie, une fois, une seconde fois jusque au moment où le souvenir renaît. Un manche à balais est coupé, taillé, en devenir d'un jouet, celui apporté des Amériques quelques années plus tôt.
Que le jeu se pratique à l’extérieur, ou bien à l’intérieur de l'habitat, peu importe. Le souvenir est là. Celui de cet instant avant qu'il ne se perde dans l'oubli du temps.
volant ( 2012 ) 7''10, cocotte ( 2012 ) 3''31', tire-haut ( 2013 ) 2''30'
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2011
"jaune vénitien"
Février 2011, Venise, le ghetto vecchio. Sous mes yeux, la caméra filme fixement deux hommes. Le premier est habillé de jaune, l'autre pas. Se réalise alors comme un monologue gestuel sans ordre d'évidence et sans aucun sens partageable. Telle une représentation théâtrale, j'assiste à une suite de portés et jetés. Les gestes se suivent et s'en suivent puis vient une série d'emmêlements et de démêlements. Aucune logique repérable, seule une suite de graphes physiques, de contorsions, d'allers et retours et ce jaune qui marque, signe et souffre à mon regard. Ma pensée s'associe à la lente oscillation de cette légère esquive. Un rythme inexplicable, une pulsation à peine perceptible fait palpiter cet instant. La poursuite de ce moment se referme sur le souvenir d'un temps appris, celui d'un temps ou ici même certains hommes avaient obligation de porter ce jaune, ce souffre d'or.
jaune vénitien ( 2011 ) 5 " 13 ', 5 " 21 '.
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2010
"osmose"
Tel Aviv - Jaffa. Le port de pêche de Jaffa. Lieu millénaire de passages, de transits. Ici tout semble être de toute éternité. Les bateaux sont sérrés, les bords se tiennent ; une corde les retient. Ils ne peuvent voguer seuls. Tout près : Tel Aviv qui bruisse de son temps d'aujourd'hui. Entre Jaffa et Tel Aviv, je suis attentive à cette osmose. Un couple traverse l'horizon, une vague percute le temps de la traversée. Chaque esquive s'accompagne de sa voisine et suit le mouvement de l'autre, elle même abordée par un énième. Ma respiration se lève et redescend. Chrétiens, arabes ou juifs, tout le monde était à Jaffa avant que "la ville blanche" n'apparaisse.
osmose ( 2010 ) 7 '' 32 '.
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La vidéo montre deux couples se baignant dans la mer morte.
Un raid de six ou neuf avions de Tsahal vient de zèbrer le silence de la scène. Le son résonne encore dans mes oreilles. Est-ce que je filme une situation sans plus d'importance ? Je reste à l'écoute. A peine immergé, les personnes discutent entre elles. Un couple parle russe ; l'autre, l'allemand ; Tous deux exilés, probablement. Je viens de France et ici, rien ne me fait ressentir cette notion, cette réalité : l'exil. Et pourtant, une lévitation commune nous lie, imperceptiblement. Je filme ce flottement.
flotteurs ( 2010 ) 3 '' 52 '.
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" barre "
Le passage est étroit. Les murs enserrent le défilé. A la proue, un mât. Tel l'aiguille d'une boussole, il ajuste la visée. L'avancée est prudente, empruntée. La nuit réduit les distances. Le fond recule et n'en finit pas d'approcher. A l'extrême de l'avancée tout se stabilise.
barre ( 2010 ) 3 '' 57 '.
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